Hors ligne
- Le Relais du temps
Je l’imagine cette fleur de l’âge entourée
De petites têtes mauves moutonneuses
Parfois même un peu clairsemées mais si dignes
Elles ne parlent plus, tout juste quelques signes
Oui je les vois aussi ces dames respectables,
Le mouchoir à la main, au plier impeccable
L’œil un peu délavé, le sourire trop pâle
La pastille de menthe pour adoucir le râle
Repliées sur elles-mêmes lovant leur trésor de vie
Pour ne pas tomber trop tôt dans le trou de l’oubli
Leurs désillusions accrochées au mousqueton du vide
Elles font des petits pas, soutenus et tranquilles
Lentement éloignées des lumières de la ville
Agrippée la prothèse de bois, tordue pareille à leur colonne vertébrale.
L’équilibre est précaire tout semble si bancal
Elles ont la volonté farouche de continuer le chemin.
Avec pour unique combat, le bout du bout du rien
Regardez leur cœur, c’est une boîte à pansements
On ne vieillit plus à cet âge, on est juste vivant.
J’imagine au milieu de ce troupeau d’argent
La si jolie bergère
Qui ne veut pas savoir comment c’était avant
Se souvenir d’hier, c’est déjà suffisant
Avec ses belles joues roses nourries de soleil
et d’années printanières
Avec son tablier blanc taché de jus de groseille.
Avec ses rêves d’enfants à jamais retenus
Et ses danses d’amour au rythme éperdu
Avec son baluchon d’espoir serré contre son cœur
Et qui s’effraie elle-même de ce qui lui fait peur
Elle dépasse de deux têtes au moins
Cette nuée blanchâtre qui se tient sur trois pattes
Ecoutez-là, elle chante,
Mais si, plus près, vous entendez
C’est le refrain de la vie, elle a l’éternité
Son passé est devant elle, surtout ne pas gâcher
Elle déploiera ses ailes pour bien tout avaler
La fée se tient debout avec sa baguette magique
Trois, quatre mots bizarres, d’étrange rhétorique
Et sa palette de couleurs qui fera sourire l’hiver.
Mais elle ne pourra pas revenir en arrière
Oh oui, j’imagine encore ce petit bout de femme
A la voix bien trop claire
Raconter une histoire, criée à la cornue
Le verbe est juste haut mais il n’est pas sévère
La vie et la mort sont ténues
Un fil parfois n’y suffit plus.
Z.
Au fil de mes pages, encore un texte d'hier, 2008
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