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Saïgon
Allons ! Grouillez, fourmis, d’Annam en Cochinchine,
Peuple trop miséreux buvant tes rêves d’or,
Qui vomissait hier la guerre et la famine
Au front libérateur de l’Occident-butor !
La haine aveuglément, vérole, en vos yeux bouge,
Sous vos cerveaux d’enfants retentit comme un gong.
Viêt-minh ! Dragon hideux, bouffeur à la peau rouge
De cadavres jonchant le delta du Mékong…
Par tes rues, Saïgon, coule un flot d’inutiles
Trottoirs qu’une marée abreuve aux cris des pas.
Echoppes et tripots dont les suées distillent
Un relent de poisson vers les troquets chinois.
Riz, soja, vin, saké, gâteaux d’huile et gingembre,
Votre effluve en passant mêle son déversoir
Aux fléaux des coolies, aux charrettes, aux membres
D’un troupeau famélique œuvrant sans le savoir !
Chiquez, gueules pourries, édentés annamites,
Le bétel ou l’opium dans un crachat de sang !
L’aigrette et la sarcelle, espiègles, vous imitent
Par les joncs, l’une atone et l’autre caquetant…
Rizière, échiquier fou devant la Mer de jonques,
Ton funèbre linceul a bercé leurs boyaux,
Marais, humbles cercueils pour ces soldats quelconques,
Gardez votre palu, vos fientes, vos guanos !…
Et vous, frêles sampans, vous, coques de noix glauques,
Bambous au fil de l’eau croupie, âpres sillons,
Jetés sans autre toit contre l’océan rauque,
Votre futur oscille entre vase et haillons.
Sitôt qu’un monde meurt, un monde recommence ;
Et l’Homme lentement, comme un buffle à genoux,
Lève la tête avec un peu plus de souffrance
Et, la paix revenue, abolit tous les jougs.
Mais toi, cité rebelle au progrès telle une île,
Livide exhalaison, passé cent fois meurtri,
Que de torrents humains aux idéaux débiles
N’as-tu sacrifié sur l’autel du mépris !
Et le Poète, ami toujours des causes vaines,
Offre sa plume noire à tous ces morts-vivants,
Malheureux, pantins, fous, torturés aux géhennes,
Afin que leur pensée irradie en crevant !…
4 octobre 1994
Allons ! Grouillez, fourmis, d’Annam en Cochinchine,
Peuple trop miséreux buvant tes rêves d’or,
Qui vomissait hier la guerre et la famine
Au front libérateur de l’Occident-butor !
La haine aveuglément, vérole, en vos yeux bouge,
Sous vos cerveaux d’enfants retentit comme un gong.
Viêt-minh ! Dragon hideux, bouffeur à la peau rouge
De cadavres jonchant le delta du Mékong…
Par tes rues, Saïgon, coule un flot d’inutiles
Trottoirs qu’une marée abreuve aux cris des pas.
Echoppes et tripots dont les suées distillent
Un relent de poisson vers les troquets chinois.
Riz, soja, vin, saké, gâteaux d’huile et gingembre,
Votre effluve en passant mêle son déversoir
Aux fléaux des coolies, aux charrettes, aux membres
D’un troupeau famélique œuvrant sans le savoir !
Chiquez, gueules pourries, édentés annamites,
Le bétel ou l’opium dans un crachat de sang !
L’aigrette et la sarcelle, espiègles, vous imitent
Par les joncs, l’une atone et l’autre caquetant…
Rizière, échiquier fou devant la Mer de jonques,
Ton funèbre linceul a bercé leurs boyaux,
Marais, humbles cercueils pour ces soldats quelconques,
Gardez votre palu, vos fientes, vos guanos !…
Et vous, frêles sampans, vous, coques de noix glauques,
Bambous au fil de l’eau croupie, âpres sillons,
Jetés sans autre toit contre l’océan rauque,
Votre futur oscille entre vase et haillons.
Sitôt qu’un monde meurt, un monde recommence ;
Et l’Homme lentement, comme un buffle à genoux,
Lève la tête avec un peu plus de souffrance
Et, la paix revenue, abolit tous les jougs.
Mais toi, cité rebelle au progrès telle une île,
Livide exhalaison, passé cent fois meurtri,
Que de torrents humains aux idéaux débiles
N’as-tu sacrifié sur l’autel du mépris !
Et le Poète, ami toujours des causes vaines,
Offre sa plume noire à tous ces morts-vivants,
Malheureux, pantins, fous, torturés aux géhennes,
Afin que leur pensée irradie en crevant !…
4 octobre 1994